Les premiers pas comme responsable d’un dojang 

Ces dernières années, des interviews d'instructeurs de Soo Bahk Do ont été publiées en ligne sous forme d'articles et de vidéos à l'occasion du 75e anniversaire du Moo Duk Kwan® et de la pandémie. Elles ont reçu un accueil positif de la part des lecteurs, qui ont exprimé leur intérêt et ont trouvé là une source d'inspiration. Nous aimerions continuer à publier de tels contenus et apprendre à mieux connaître les instructeurs du monde entier, en commençant par explorer les expériences de la nouvelle génération.
Dojang X Sabrina Mistry et ses élèves

Ces dernières années, des interviews d’instructeurs de Soo Bahk Do ont été publiées en ligne sous forme d’articles et de vidéos à l’occasion du 75e anniversaire du Moo Duk Kwan® et de la pandémie. Elles ont reçu un accueil positif de la part des lecteurs, qui ont exprimé leur intérêt et ont trouvé là une source d’inspiration.

Nous aimerions continuer à publier de tels contenus et apprendre à mieux connaître les instructeurs du monde entier, en commençant par explorer les expériences de la nouvelle génération. Il n’est jamais facile de commencer à enseigner seul, en particulier dans l’environnement compétitif des clubs d’arts martiaux. Cette situation peut être exacerbée si vous êtes une jeune femme ayant de grandes espérances, une bonne dose de courage, mais que vous vous installez dans un nouvel endroit avec beaucoup d’incertitudes

C’est la situation à laquelle a été confrontée Sabrina Mistry, 3e Dan Moo Duk Kwan® de la Fédération UK-Irlande. Miss Mistry a célébré la première année d’activité de son dojang en mars 2023. Dans cette interview, nous lui avons demandé de partager son expérience.

Élodie Mollet, France Moo Duk Kwan® TAC

* Les élèves de notre fédération ont déjà eu l’occasion de rencontrer Sabrina lors de Women in Moo Duk Kwan® au printemps 2019, puis en juin 2022 lors d’un week-end où elle avait été assistante dans plusieurs cours.

E.M : Pourquoi avez-vous créé un dojang ?

Je souhaite proposer une expérience de vie différente de celle que j’ai eue. Les deux thèmes principaux sont : santé et fitness, et le leadership féminin.

À bien des égards, je suis une anomalie si l’on considère les données : une femme issue d’une minorité qui n’a commencé à s’intéresser au fitness qu’à l’âge adulte. Au Royaume-Uni, les données montrent que les femmes de mon milieu sont parmi les moins susceptibles de pratiquer une activité physique hebdomadaire suffisante pour avoir des effets bénéfiques sur la santé. De nombreux facteurs entrent en cause, liés à des considérations personnelles, culturelles et sociétales. En outre, il y a de fortes chances pour que les personnes qui n’ont pas fait d’exercice physique pendant leur enfance continuent à ne pas en faire à l’âge adulte. Je n’ai pas participé à des activités extrascolaires pendant mon enfance et je n’ai pas trouvé les séances d’exercice à l’école amusantes ou motivantes.

Pour l’essentiel, je me suis engagée et me suis battue pour arriver aujourd’hui à faire des choses à un niveau de condition physique que je n’avais pas imaginé au départ. J’en suis assez fière. Les défis que j’ai rencontrés étaient liés à mes limites physiques et aux barrières mentales d’une femme adulte en surpoids. Ce parcours m’a convaincue que le cadre doit changer pour rendre la remise en forme plus accessible, en particulier pour les personnes moins douées naturellement. Mon chemin passe par l’enseignement du Soo Bahk Do via le Dojang X.

Sur la base de mon expérience et de mes observations au fil des ans, je pense que les femmes rencontrent souvent des obstacles mentaux et physiques spécifiques lorsqu’il s’agit de faire de l’exercice et de participer à des activités de la vie courante. En particulier, une certaine conscience de soi et d’évidentes pressions médiatiques qui influencent cette conscience de soi, entrent en ligne de compte. En ce qui me concerne, je souhaite promouvoir une image différente et je suis très enthousiaste à l’idée de construire un véritable leadership féminin pour la génération actuelle et à venir, en regard du fitness et des rôles-modèles dans la société. Ayant mon propre dojang, je me sens une responsabilité dans le fait de faire advenir des changements dans ce domaine.

E.M : Comment voyez-vous le potentiel du Dojang X ?

Le Dojang X a été nommé ainsi pour respecter la tradition tout en mettant l’accent sur la créativité. J’aimerais qu’il devienne un club ambitieux et novateur dans ce qu’il offre aux élèves. L’animation est quelque chose qui me fascine depuis longtemps et que je cherche à ajouter à l’identité du Dojang X. C’est formidable d’avoir de nombreux élèves qui partagent un intérêt similaire et/ou qui sont ouverts d’esprit pour apporter leur contribution. Nous nous sommes bien amusés en créant de petits combats animés entre élèves sur les réseaux sociaux. La réalité, cependant, est que la plus grande partie de mon énergie est actuellement consacrée à édifier le Dojang X et à l’aider à passer le cap de son premier anniversaire. C’est donc un objectif à plus long terme que de travailler dans cette direction de l’animation.

E.M : Pouvez-vous partager votre expérience des premiers jours du Dojang X ?

À peu près tous les dojang commencent de la même façon : très peu de personnes (voire aucune) se présentent pour essayer votre cours. C’est une épreuve mentale mais il faut persévérer. Après tout, lorsque vous montez un nouveau dojang dans la région et que tous les autres sont mieux établis en termes de marketing, de publicité et de bouche-à-oreille, comment pouvez-vous être vu et entendu ? À bien des égards, c’est comparable au fait de recommencer le voyage en tant que ceinture blanche – l’enthousiasme est là mais pas encore la technique, ainsi que le sentiment occasionnel d’accablement et de doute de soi alors que pourtant le fait d’être présent à chaque entraînement, c’est déjà avancer. Lorsque j’ai eu mes premiers élèves, il leur a fallu plusieurs mois avant de décider de s’inscrire pour de bon. Je comprends cela. Après tout, il n’y avait que moi et parfois un, deux ou trois d’entre eux. Ils ne voulaient pas s’engager à acheter un dobok ou prévoir de passer des grades. Je crois qu’ils hésitaient à me faire confiance en tant qu’instructeur et qu’ils étaient gênés de ne pas avoir plus d’élèves dans la salle. Quelle qu’en soit la raison, ils sont venus chaque semaine et, en retour, je leur ai donné toute mon énergie, mon enthousiasme et mon engagement pour leur apprentissage. Je sais que certains pensent qu’il faut valider le plus vite possible l’inscription des nouveaux, mais en ce qui me concerne, je préfère ne pas brusquer les élèves potentiels. En particulier lorsqu’un dojang est nouveau, flexibilité et développement des relations humaines en son sein contribuent à la croissance ultérieure de la salle.

J’ai consacré beaucoup d’énergie à la construction du Dojang X au cours de sa première année, tout en m’occupant d’autres activités professionnelles, et en guérissant lentement d’une blessure au dos survenue plusieurs mois avant la création du club. Cependant, à un moment donné, je me suis sentie très mal, au point de devoir quitter mes autres emplois et de recevoir plusieurs visites des services d’urgence. Ce fut une période incroyablement difficile de ma vie, mentalement et physiquement, mais j’étais déterminée à construire le Dojang X et à servir mes élèves. Ils étaient peu nombreux, mais ils m’avaient choisie, moi et ce dojang, pour s’entraîner. Je savais très bien que ces gens auraient pu aller ailleurs, dans un lieu plus “flashy”, avec des équipements et des cadeaux gratuits de bienvenue. Pour cela, je leur devais mon engagement et ma loyauté.

Ce dernier point touche à quelque chose d’important sur lequel je vais prendre le temps de réfléchir. Les choses peuvent arriver de manière inattendue. Il est important de l’avoir à l’esprit, surtout si on commence un dojang seule, sans personne à proximité qui puisse apporter son soutien. Dans ma situation, le cours ne peut pas se dérouler si je ne suis pas présente.

E.M : Qu’avez-vous appris jusqu’à présent de votre expérience d’enseignement ?

Malgré mon expérience antérieure, enseigner dans son propre dojang est très différent. Tout d’abord, que les autres personnes présentes dans la salle soient tout à fait débutantes, d’âges et de capacités différents, m’a très vite appris que les objectifs de mes premiers cours étaient trop ambitieux. Les premiers mois, par exemple, j’ai consacré beaucoup de temps à récapituler la position de préparation d’un mouvement, où il fallait regarder et se tourner, et à rendre le contenu du cours aussi simple que possible. C’était essentiel pour que les participants ne se sentent pas dépassés. Comme la plupart des nouveaux élèves considèrent le Soo Bahk Do comme un loisir, qui vient en plus d’une semaine de travail, j’ai eu du mal à encourager certains d’entre eux à pratiquer régulièrement à la maison pour les aider à retenir les informations.

D’un autre côté, il a été incroyablement agréable de voir le niveau d’engagement et d’enthousiasme dans l’entraînement de certains de mes élèves et la valeur qu’ils accordent à leur identité de pratiquant d’art martial.

On s’en rend compte au travers des images de l’entraînement à la maison prises par les parents, des photos de coups de pied qui immortalisent un voyage, aux vêtements assortis à la couleur de leur ceinture ; on le voit aussi à l’utilisation du temps d’attente avant le cours pour s’entraîner, et à leur visage fier et heureux lorsqu’ils sont félicités ou qu’ils reçoivent leur certificat.

Deuxièmement, et c’est certainement quelque chose que je n’avais pas prévu, c’est à quel point enseigner à de jeunes enfants est différent et difficile. Ils ont besoin de spontanéité, ils sont facilement distraits et, parfois, ne sont pas très réceptifs à une idée que vous trouvez géniale. À travers essais et erreurs, et en m’épuisant considérablement en cours de route, il m’a fallu quelques mois pour acquérir de l’expérience et comprendre mieux ce qui les intéresse… pour l’instant ! J’ai appris que plus les enfants sentent que je les comprends, plus ils en viennent à exprimer leurs pensées, leurs idées et à poser de bonnes questions – certains tout-petits aiment me serrer dans leurs bras après le cours.

Cette manière de faire me permet d’améliorer mon enseignement et de mieux connaître l’humeur générale, le moral et la motivation de ces tout jeunes élèves. 

E.M : Enfin, comment résumeriez-vous l’expérience de votre première année ?

La première année du Dojang X a été formidable. L’expérience d’instructrice responsable d’un nouveau dojang offre de nombreuses opportunités d’apprentissage et de développement personnel. Ce n’est pas toujours simple et cela peut parfois être stressant d’être confronté à tant de difficultés. Pour l’essentiel, je pense que la confiance en ses capacités et en la direction prise est l’une des choses les plus importantes, qui peuvent permettre à un nouvel instructeur d’avancer. Il est bon de considérer cela comme le début d’un voyage et de le traiter comme un processus.

Sabrina MISTRY

Facebook : @beyondthedojang
Instagram : @beyondthedojang
Blog : beyondthedojang.com

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